[st_divider_shadow] Estratti / Excerpts [st_divider_shadow]
Kaouther Adimi
LE BALLERINE DI PAPICHA
L’ENVERS DES AUTRES
THE DARK SIDE OF OTHERS
ISBN 9788887847543
[st_icon name=’file-text’ size=’icon-2′ color=” type=’normal’ background=” border_color=” align=’ss-none’ icon_spin=’no’] [st_icon name=’paste’ size=’icon-2′ color=” type=’normal’ background=” border_color=” align=’ss-none’ icon_spin=’no’] [st_divider_shadow]
Ci si aspetta da me che sia forte e paziente. Sono anni ormai che offro, alla compassione e alla cattiveria del mondo, un sorriso amaro e l’anonimato dei miei occhi, nascosti dagli occhiali da sole, falsi Chanel. Da anni mi occupo di Hamza, in questa casa ridicola e in questo ridicolo gioco che chiamano matrimonio. Da anni, seduta in un angolo della finestra della mia camera di ragazza, dove sono tornata ad abitare da quando il mio delizioso marito è impazzito, ascolto il baccano della città e guardo le pietre grigie, le dita increspate su un fazzoletto di seta. “Più nessuno ormai usa fazzoletti di seta”, non smette di ripetermi Yasmine, la mia fin troppo graziosa sorellina. Eppure, continuo a tenere le dita avvolte in questo quadratino di seta bianca. Non ci sono che pietre, pietre grigie. La follia di quelle pietre.
Le dita increspate sul mio fazzoletto di seta, dono di Adel, una piccola cosa cui nessuno fa caso, sento Hamza ghignare, gridare, parlare, gemere. Mi spaventa. Ho paura. Paura di quello che ha nella testa, delle sue parole di pazzo, dei suoi occhi che mi seguono costantemente, di questa presenza che vive con me da tanti anni.
Le sue crisi sono insopportabili. Disturbano le mie fantasticherie, mi fanno sussultare quando mi fermo a contemplare il cielo vuoto. Preferisco i momenti in cui tace, fissandomi con aria folle, supplichevole, spaurita. La paura è personale. Può essere nascosta. La si osserva nel buio della solitudine. Mentre le crisi… Riflettono i nostri drammi. Mostrano al mondo che abbiamo fallito. Le crisi indicano dei colpevoli, delle vittime, dei problemi, raramente delle soluzioni.
Taci, Hamza, ti prego, non sopporto più le tue parole sconnesse. Taci, Hamza, mio caro, o farò una pazzia. E’ vero che sono tua moglie, ma non ne posso più di ascoltarti.
Ed ecco che ricominci con il tuo delirio, eccoti di nuovo fra i tuoi fantasmi, nel tuo mondo.
“Sarah, bella Sarah, che ci fai tutta sola seduta accanto alla finestra?”
“Aspetto”.
“Che cosa aspetti?”
“Il sorgere del giorno. Presto per Mouna sarà ora di andare a scuola”.
“Chi è Mouna?”
“Nostra figlia”.
“Abbiamo una figlia?”
“Sì, abbiamo una figlia. Un’adorabile bambina di nove anni. Non te ne ricordi più?”
“Credo di sì…Non ne sono sicuro…Può darsi… Ho quest’impressione… Non lo so… Credo di averla vista ieri… Non ne sono affatto certo, non ne ho alcuna idea, per essere sincero. Potrebbe essere stato la settimana scorsa, o forse l’anno prossimo”.
Hamza si china su di me per accarezzare i miei capelli. Ha sempre una parola tenere per me.
Qualcosa come “cuore mio, mio tesoro”. Non sono del tutta sicura di quello che ho sentito, che ho decifrato. E’ “mia cara”. E’ più semplice da decidere che da ascoltare. Mi contempla con un gran sorriso bavoso, fa pensare a una rana guizzante. E’ ingrassato con gli anni e, nel suo pigiama azzurro, somiglia a un bambino obeso. Mentre si sporge, ho quasi paura che mi piombi addosso con tutto il suo peso e mi schiacci. Immagino già il trafiletto sul giornale:” Una donna di trentasette anni è stata schiacciata dal marito, mentre si sporgeva su di lei per accarezzarle i capelli”.
No, accarezzare è troppo dolce, troppo gentile, poco accattivante. Scriverebbero piuttosto:” Il quartiere Khorti è sotto choc. Ieri mattina, S. A. è stata uccisa da suo marito, H. A.. Secondo le nostre fonti, avrebbe tentato di violentarla, prima di soffocarla. Il suddetto marito era conosciuto dal vicinato come persona instabile”. Ecco. Verrei ridotta a due piccole iniziali, e non se ne parli più!
Mio Dio, dov’è finito il giovane brillante che ho sposato?
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On attend de moi que je sois forte et patiente. Cela fait des années que j’offre, à la compassion et à la méchanceté du monde, un sourire crispé et l’anonymat de mes yeux cachés par mes fausses lunettes de soleil Chanel. Des années que je m’occupe de Hamza dans cette drôle de maison et ce drôle de jeu qu’on appelle mariage. Et depuis des années, assise au coin de la fenêtre de ma chambre d’enfant où je suis revenue habiter depuis que mon tendre mari est fou, j’écoute le brouhaha de la ville et regarde les pierres grises, les doigts crispés sur un mouchoir en soie. « Plus personne n’a de mouchoir en soie », ne cesse de me répéter Yasmine, ma trop jolie petite sœur. Et pourtant, mes doigts sur ce petit carré de soie blanche. Ce ne sont que des pierres, des pierres grises. Quelle folie que ces pierres. Les doigts crispés sur mon mouchoir en soie, offert par Adel, cette petite chose dont personne ne se soucie, j’entends Hamza ricaner, crier, parler, gémir. Il m’effraie. J’ai peur, peur de ce qu’il y a dans sa tête, de ses paroles de fou, de ses yeux qui me suivent constamment, de cette présence qui vit avec moi depuis tant d’années. Ses cris sont insupportables. Ils me dérangent dans mes rêveries, me font sursauter lorsque je m’oublie à contempler le ciel vide. Je préfère lorsqu’il se tait, en me dévisageant d’un air fou, suppliant, et peureux. La peur est personnelle. Elle peut être cachée. On l’observe dans le noir de sa solitude. Alors que les cris… Ils reflètent nos drames. Montrent au monde que nous avons échoué. Les cris désignent des coupables, des victimes, des problèmes, rarement des solutions. Tais- toi, Hamza, tais- toi, je t’en prie, je ne supporte plus tes paroles décousues. Tais- toi, Hamza, mon chéri, ou je vais faire un malheur. Il est vrai que je suis ta femme, mais je n’en peux plus de t’écouter. Et te voilà reparti dans ton délire, te voilà à nouveau dans tes fantasmes, dans ton monde. Sarah, belle Sarah, que fais- tu assise toute seule près de la fenêtre ? J’attends. Qu’attends- tu ? Le lever du jour. C’est bientôt l’heure pour Mouna d’aller à l’école. Qui est Mouna ? Notre fille. Nous avons une fille ? Oui, nous avons une fille. Une adorable fillette de neuf ans. Tu ne te souviens donc pas ? Je crois… je ne suis pas sûr. Peut- être… j’en ai l’impression. Je ne sais pas. Je crois l’avoir vue hier… je ne suis pas certain, je n’en ai aucune idée, à vrai dire. Peut- être était- ce la semaine passée, ou l’année prochaine. Hamza se penche vers moi pour caresser mes cheveux. Il a un mot tendre pour moi. Quelque chose comme « mon cœur, mon trésor ». Je ne sais pas trop ce que j’ai entendu, ce que j’ai décrypté. C’est « ma chérie ». Il est plus simple de décider que de l’écouter. Il me contemple avec un immense sourire baveux, faisant penser à un crapaud frétillant. Il s’est empâté avec les années et, vêtu de son pyjama bleu, il ressemble à un gamin obèse. Lorsqu’il se penche, j’ai presque peur qu’il tombe de tout son poids sur moi et m’écrase. J’imagine déjà l’entrefilet dans le journal : « Une femme de trente- sept ans a été écrasée par son mari, alors qu’il se penchait pour lui caresser les cheveux. » Non, caresser, c’est encore trop doux, trop gentil, trop peu vendeur. Ils écriront plutôt : « Le quartier Khorti est sous le choc. En effet, hier matin, S. A. a été tuée par son mari H. A. D’après nos sources, il aurait d’abord essayé de la violer, avant de l’étouffer. Ledit mari était connu du voisinage comme quelqu’un d’instable. » Voilà. Je serai réduite à deux petites initiales, et ce n’est pas plus mal ! Mon Dieu, où est le fringant jeune homme que j’ai épousé?
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